La neige menace en fin de journée
photo : Claude Bouyeron

A quoi tient la réussite d’une recherche ?

 

Au travail, à l’expérience, aux qualités du chien (et du maître) bien sûr. Mais il faut aussi compter avec La Providence qui peut vous tendre les bras ou vous tourner le dos…

A tous ceux qui, comme moi, ont bien besoin que la chance vienne les prendre par la main pour que leurs statistiques de recherches soient acceptables, je dédie cette histoire d’une recherche où la réussite n’a tenu qu’à un fil.

La Providence ce jour-là avait pris l’apparence d’un chien perdu, elle était dans l’œil averti d’un garde et dans le dernier regard lancé au théâtre de ce qu’il fallait bien appeler un ECHEC.

 

Il avait neigé à nouveau cette nuit-là et quelques centimètres étaient venus s’ajouter à la couche neigeuse tombée deux jours plus tôt. Les animaux avaient tout d’abord évité de trop bouger, mais maintenant la nécessité de se nourrir les avait fait quitter leurs remises et marquer de leurs empreintes la neige immaculée.

Profitant d’une matinée de beau temps ( de nouvelles chutes de neige étaient prévues pour l’après-midi ) j’étais allé « piader » le long des chemins et des bois de la campagne voisine engourdie par le froid.

Midi et la promesse d’un bon repas approchaient quand mon téléphone portable sonna.

C’était D., le garde d’un des plus beaux territoires de chasse de la région qui m’appelait pour savoir si j’étais disponible pour venir rechercher un gros sanglier blessé la veille sur une commune voisine et venu se réfugier sur son terrain.

Le temps de rentrer chez moi, prendre le chien et la carabine, faire un peu de route et j’étais sur le lieu du rendez vous…

 

Le sanglier avait été tiré la veille à deux communes de là, blessé et, comme il se doit dans la région, pris en chasse par une meute de chiens courants lâchés à ses trousses. Ceux-ci avaient été coupés lors de la traversée de la commune voisine laissant un peu de répit au malheureux sanglier. Juste le temps, en fait, pour que les chasseurs de la seconde commune puissent réunir quelques chiens aptes à poursuivre le blessé qui n’avait dû son salut qu’au fait de se sauver du territoire communal et à l’arrivée de la nuit.

Les chasseurs vinrent trouver le garde, lui expliquant qu’ils avaient amené chez lui un gros sanglier qui à l’heure actuelle devait être mort dans la plantation où il était rentré vu qu’il avait laissé dans un fossé un morceau d’intestin !

Le lendemain matin, il fallu se rendre à l’évidence, tout blessé qu’il fût, le sanglier avait quitté la plantation. La neige rougie où les traces avaient été partiellement effacées par les nouvelles chutes de la nuit ne laissait aucun doute là dessus.

Le sanglier ayant déjà parcouru 6 ou 7 kilomètres depuis l’endroit où il avait été tiré, il faudrait essayer de reprendre la piste à cet endroit-là.

Le garde ne pourrait pas m’accompagner mais il resterait dans le secteur et en cas de besoin on se téléphonerait. Je lui montrai avec délice le superbe GPS dont j’avais fait l’acquisition dans la semaine et que je posai délicatement sur le bord du coffre le temps de prendre mes affaires et de …refermer le coffre.

-ATTENTION le GPS … !!!

Je n’avais pas d’accompagnateur, je n’avais plus de GPS…

 

La labrador empaume la voie facilement, on traverse une plantation avant de rentrer dans une parcelle où les sapins sont plus âgés.

Le sanglier a un peu tourné dedans avant de se décider à revenir dans la plantation du début puis à la quitter pour un bois plus clair.

Nous avançons au pas de charge, de temps en temps des traces de sang nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie.

Bientôt, au pied d’un chêne quelques gouttes de sang puis…plus de piste, plus de traces, plus de sang .

Pas d’affolement, le sanglier a dû doubler sa voie. Effectivement 200 mètres en arrière, VICKIE retrouve une voie qui quitte celle que nous avons suivie.

Encore quelques dizaines de mètres et le sanglier rentre dans un petit ruisseau, pas de sortie en face…

Je me doute que, comme souvent, il a dû remonter le courant pour essayer de perdre d’éventuels poursuivants. Nous suivons le ruisseau en remontant 10 mètres, 20 mètres, 30 mètres…je commence à être perplexe, VICKIE n’a plus l’air de trouver grand chose quand j’aperçois sur une racine du sang frotté : nous sommes sur la bonne voie.

Nous continuons à monter le ruisseau sur environ 300 mètres, tantôt c’est la labrador qui me montre du sang, tantôt c’est moi qui lui en montre.

Soudain elle s’excite, les oreilles relevées, le fouet battant l’air, elle s’approche d’un bouquet de saules cassés. Le sanglier doit être là-dedans. Je vois une reposée avec du sang.

Je suis seul et je préfère être prudent, je rappelle VICKIE pour faire le tour du fourré qui n’est pas très grand et m’assurer que le sanglier est bien dedans.

Malheureusement, il en est sorti et ma chienne tout aussi excitée pénètre sous un arbre couché. La carabine est prête… là encore une couche avec du sang mais pas de sanglier.

Je fais maintenant la recherche en libre dans ce marécage où ce foutu sanglier semble s’être couché partout. La neige recommence à tomber.

On arrive sur un chemin que VICKIE traverse. Sur ce chemin, à nouveau, j’aperçois du sang. Je rappelle la chienne qui vient voir mais ne semble pas s’y intéresser.

D’ailleurs, ce n’est pas la trace d’un sanglier qui accompagne le sang mais bel et bien le pied d’un cerf ! Ou alors, c’est le cerf qui marche sur les traces du sanglier ?

 

Je décide de suivre cette voie, la chienne pas du tout motivée sur les talons. Les empreintes sont peu visibles avec la neige qui retombe mais la longueur du pas semble indiquer un cerf.

Intrigué je parcours 2 ou 300 mètres. Sous des sapins où la neige est peu tombée, un pied de cervidé est bien visible avec du sang à coté mais pas trace de sanglier.

Un cerf blessé maintenant! sans doute une blessure à la patte, il faudra que j’en parle au garde …mais retournons voir ce sanglier.

 

Je décide de ramener VICKIE à la première reposée. On refait le parcours dans ce marécage au milieu des saules couchés et des arbres cassés. La boue jusqu’en haut des bottes (et parfois plus haut), la neige tombe en abondance maintenant, l’eau me coule dans le dos, je commence à avoir les doigts engourdis par le froid . La brume qui monte, la nuit qui tombe et…mon téléphone qui sonne. C’est D. qui vient aux nouvelles, je lui explique où je suis, il va venir me chercher.

J’entends son 4X4, je vais le rejoindre, j’enlève les balles de la carabine, c’est cuit !

Alors que je lui raconte ce que j’ai fait, un petit jagd perdu, sans doute attiré par le bruit du moteur vient nous rejoindre ( c’est la Providence qui vient d’arriver).

Il se met à gratter dans la neige, il en retire quelque chose qu’il se met à mâcher. D. me dit : « c’est curieux ce truc vert qu’il mange, on dirait du contenu stomacal !? , vous êtes allé voir de l’autre coté du chemin ? Et moi, un peu penaud en repensant que j’ai tout à l’heure rappelé mon chien qui lui, allait voir de l’autre coté, suis bien obligé de convenir que non.

J’invite VICKIE, qui n’attendait que ça à y aller.

 

20 mètres plus loin, elle recommence à s’exciter, elle file dans l’obscurité qui tombe, je glisse une balle dans la carabine. Elle sent une émanation mais ne peut pas la situer. Je la vois le nez en l’air au milieu des tourbillons de neige, elle fonce sous un saule, puis à travers d’autres buissons. Comme je ne vais pas assez vite, elle revient me chercher en gémissant puis repart.

Je finis par la rejoindre dans une petite clairière, trempé, gelé et là je me dis que j’en ai marre et que j’arrête.

Et alors que je me retourne vers VICKIE pour lui dire que oui, maintenant, on arrête … j'aperçois le sanglier qui se dérobe sans bruit. La chienne l’a vu elle aussi, elle le poursuit et le met au ferme dans un fourré. Je ne vois que la chienne qui saute en arrière pour éviter les charges de l’animal puis qui retourne le houspiller. Quand elle sent que je suis là, elle se recule prudemment en semblant me dire : vas y toi maintenant. Le sanglier avance un peu la tête pour voir ce qui se passe et d’une balle bien placée je transforme un échec annoncé en une réussite mémorable, c'est un beau mâle de 120 kg.

La chance, il faut aller la provoquer pour que parfois elle nous sourie.

Ce soir, on dira : tiens, le gars, le sanglier, il l’a trouvé ! Ce n’est que ce qui compte au fond : trouvé ? pas trouvé ?

Le reste, les ruses de l’animal, le travail du chien, ça n’intéresse que quelques initiés, les autres n’ont qu’une très vague idée du travail demandé à un chien de rouge. D’ailleurs, on sait bien par ici, que j’ai une chienne formidable : quand je lui dis : « assis, pas bouger » et bien, elle s’assoit et …elle ne bouge pas !!!

 

 

 

 

La neige a recouvert le paysage
photo : Claude Bouyeron

Corrèze :

Pierre Bousquet

Jean Pierre Haag

Françis Jenty

Pascal Peyraud

Eric Sovran

Didier Suze

Jacques Theil

 

Creuse :

Julien Chauvet

Raymond Limousin

 

Haute Vienne :

Elodie Bouillon

Christian Duburgt

Serge Vauzelle

 

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